Entre le REEL et le RESSENTI
De "bons" samaritains...
Un hiver qui tire sa révérence
Fraîcheur toute matinale
Bonnet rabattu sur les oreilles
En guise de chevelure
Masque chirurgical
Méticuleusement accroché
Ne dévoilant qu’une parcelle de visage
Les yeux dissimulés
Par une paire de verres teintés
Me voici incognito
Sur le chemin de halage
Prêt à en découdre
Avec moi-même
Authentique quadrupède à bâtons
Nordiques cela va de soi
Chemin faisant
Perdu dans mes pensées vagabondes
Seul au monde
Je suis dépassé sur ma gauche
Par un coureur à pied
Entre le lièvre et la tortue
Plus rouge que de raison
Étouffant un bonjour quasi inaudible
Je l’aperçois encore au détour d’un long méandre
Le voici qui s’arrête
Fait une pause parking
Avant de rebrousser chemin
De nouveau arrivé à ma hauteur
Tout en expulsant buccalement ses particules volatiles
Me jette un regard hagard
Comme pour me prendre à témoin
M'adresse quelques mots :
- Bon courage à vous !
- Merci, à vous aussi !
- C’est bien ce que vous faites !
- Ah bon ?
-Oui, pour votre âge !
Un beau matin fraîchement ensoleillé
A la découverte des chemins bocageux
Qui ne mènent pas à Rome
Se jouer des ornières « quads »
Eviter les racines en quête de liberté
Contourner ou franchir les flaques
Eprises d'expansionisme
Ne pas s’embourber outre mesure
Et « en même temps » (si,si…)
Fournir l’effort physique « santé »
Sans oublier d'admirer la nature renaissante
S'émerveiller du concert offert par les oiseaux
Une dizaine de kilomètres de bonheur
Moment privilégié
Dans ce monde déboussolé
Qui se demande ce qu'il lui arrive
De retour dans le bourg du village
L’heure est venue d’étirer
Un corps fatigué mais heureux de l’être
Le bruit d’une voiture vient troubler ma quiétude
Sa conductrice s’arrête et descend à ma hauteur
- bonjour Monsieur, excusez moi, vous allez bien ?
- euh... oui, bonjour Madame, pourquoi ?
- ah ! Je suis rassurée, vous voyant penché vers l’avant, la tête entre vos bâtons, j’ai cru que vous faisiez un malaise !
- merci Madame, mais je vais très bien, je suis juste en train de m’étirer après ma marche…
- ah ! bon ! Vous m'avez fait peur .
Bonne journée Monsieur
- à vous de même Madame .
Alors c’est vrai
Je ne peux rester indifférent
A ces manifestations détonantes de vérité
Deux personnes inconnues qui s’inquiètent pour moi
Et qui inconsciemment
Me renvoient mon image
Celle d'un homme ayant déroulé
Des kilomètres d'un câble
Qui leur semble s'effilocher...
Quand la réalité confine à l'avertissement sans frais
Me rendre à l’évidence
Faire la part de ce que je suis
Des traits physiques que je donne à voir
Ne pas faire semblant de ne pas savoir
Accepter la dure réalité du miroir
Celui de ma coiffeuse préférée
Qui m’impose en fin de coupe
Une vue panoramique et redoutable
Sur ma nuque ignorée...
Je n’ai plus le choix
Le poids des ans est bien là
Rides et cheveux blancs
J'en passe et des pas meilleurs
S'emmêlent et s'entremêlent
Ce temps qui s'obstine à me rattraper
Comme pour me faire plier
Pour autant, comme le roseau
Dans ce monde de brutes indignes
Si je plie je ne romps pas
Le plus-tard possible
Il ne me vient même pas à l’idée
De penser « Jusqu’à quand ? »
L’important c'est la rose et le lilas
Mais aussi de rester conscient et lucide
Tension entre
« ne pas nier que je sais que... »
Et « ce que je ressens réellement
Ce à quoi j'aspire"
Jours après nuits
J'ai encore le choix de prendre mon temps
Celui de penser, agir, créer
Partager encore et toujours des moments forts
Pousser le temps dans ses ultimes retranchements
Vivre le présent intensément
Vivre et déguster la plénitude
Alors je m'accroche
Accordéon aidant
Je lui fais souffler
Quelques notes d'espoir
Authentique " Mélodie de l'intemporel"
De quoi prendre un nouvel envol...