DECONFINERIES (1)
AVIS A LA POPULATION
DECONFINERIES (1)
A vol d’oiseau ?
Comme toute oie oit ce qu’elle veut bien ouïr, j’ ouïs dire que l’oie pourrait même remplacer le vélo, pour se déplacer à vol d’oiseau.
Rien de plus naturel !
Si des confiné(e)s n’ont pas résisté à l’envie pressante de se procurer un toutou et sa laisse pour s’aérer et découvrir les joies du ramasse crotte (ça n’arrive pas qu’aux autres) lors de la promenade quotidienne, alors on peut sans choir et sans scrupule choisir l'oie pour explorer le monde.
Domestique, élevée sous la mère d’oie, ou sauvage venue de nulle part et de partout, entre l’oie blanche un peu candide, très prude et timide, réfugiée derrière les attentes de son éducation ou l’oie rieuse, bruyante au cri aigu et l’oie à bec court, frustrée par nature, il n’y a que l’embarras du ch’oie.
Une fois ch’oiesie, il est conseillé de la oiecher (on chevauche bien le cheval) à cru , régime sans selle oblige, sensations garanties au contact, (proscrit aujourd’hui à tel point que même les verres de contact pourraient être interdits ! On conseille plutôt les lentilles, vertes de préférence…).
Se laisser aspirer sans retenue, lâcher prise mais tenir bon...
Vol sans frontière, à dos d’oie, au dessus d’un nid de virus, planer vers l’infini, sans débourser un écu, libre comme l’air, , sans masque, ni gel, ni attestation, le must du must ! Libre !!!
Oui, comme le Nils du célèbre conte de Selma Lagerlöf
« le merveilleux voyage de Nils Holgersson à travers la Suède »,
J’ai bien le droit de rêver encore ...
Le ciel, le soleil et la mer
Jeu de boules de sable avec distanciation STATIQUE sur une plage DYNAMIQUE du Cotentin
Il y a le ciel, le soleil et la mer
Covidés et vidés tout court
A cinq mètres l’un de l’autre,
Les cheveux dans les yeux
Des yeux qui sourient
Sous le masque
Nez et bouche solidaires
Oreilles aux pavillons épanouis
On est bien tous les deux
Attrape la balle si tu es « cap »
C’est bientôt l’été
On est bien tous les deux
O covid quelle chance !
A toute heure sur le sable
Chantons ensemble
Il y a le ciel, le soleil et la mer
La mer qu’on voit danser
Confond ses blancs moutons
Avec les anges si purs
Qui s’ébrouent dans les reflets d’argent
Oubliant leurs soucis
La mer qu’on voit valser
Un refrain d’amour masqué
(d’après François Deguelt et Charles Trenet confondus)
De l’insoutenable « légèreté » de l’Etre
Les retrouvailles, après 55 jours d’isolement contraint pour tous, confortable pour certains suffoquant pour les autres.
Alors, oui, on inspire un grand bol d’air pas encore re - pollué, histoire de refaire le plein de liberté, quoi de plus homo-sapiens !
Tellement heureux qu’on en vient à oublier qu’elle s’arrête là où commence celle des autres.
C’est à la fin de la foire qu’on compte les bouses, comme on dit par T’cheu nous.
Des bouses il y en a , au propre comme au figuré!
Toutes sortes de détritus, des plus basiques aux plus surprenants, genre "cabinet de curiosités" ; des tas de bouses, immondices de reliquats alimentaires, pas bio du tout, une vraie décharge publique sur ce qui était encore une pelouse avant le rush ou trottoir contraint de supporter les masques à usage unique souillés de ces Messieurs Dames insouciants, inconscients voire beaucoup plus…
Mais pourquoi ramasser nos « merdes » puisque de toute façon le service voirie va s’en charger !
Tard dans la nuit, les déconfinés volontairement re-confinés, soucieux de partir en vacances coûte que coûte, imaginent déjà dans leurs rêves les plus gaulois un stratagème qui leur permette de braver les interdictions. Au diable les 100 kms à vol d’oiseau ! D’abord, comme à la mer, une plage « dynamique » c’est vague et puis ça dépend des oiseaux…En cherchant bien, on aura tous une bonne raison d'aller visiter une petite grand -mère gravement atteinte de sinistrose chronique...
Tôt le matin, à l’heure où n'envahissent pas encore les souilleurs, pelle et balais accrochés à son chariot bourré de sacs poubelle, un homme protégé a minima se prépare à nettoyer la place. Il semble las de répéter les mêmes gestes que ceux de la veille et du lendemain. Les jours se suivent et se ressemblent. Il se dit que ça sent pire et pense tout haut, comme résigné : « non, ces « gens là ne sont décidément pas recyclables ! »
Sur le fil du rasoir
J’y pense tous les jours le matin en me rasant
De boucles en épis
De cheveux en clusters
Inutile de me coiffer
Vive le cheveu libre !
Un jour viendra
Le plus tard possible
Où je devrai aller revoir « ma « coiffeuse » préférée
Comme avant
Je sais mais j’attends
J’attends qu’elle ait fini
De couper les cheveux en quatre
Sans doute envahie
Par la vague chevelue
Je laisserai donc ses doigts zélés
Papillonner
Sur ma colline reboisée
Confortablement enfoncé
Dans mon fauteuil désinfecté
Mais la minute qui compte, c’est tout à la fin.
Elle m’aura délivré du tablier de nylon
L’aura secoué d’un seul coup
Dompteuse fouetteuse infaillible
Se sera appliquée
A me débarrasser
Des derniers poils superflus
Avec une sorte de blaireau noir
Qui vient titiller mes narines
Ou à m’éclaircir les sourcils ombrageux
« Et l’instant redouté arrive. Le coiffeur s’est rapproché de la tablette, et saisit un miroir qu’il arrête dans trois positions rapides, saccadées : sur votre nuque, trois-quarts arrière gauche, droite. C’est là qu’on mesure l’étendue du désastre ...Oui, même si c’est à peu près ce qu’on avait demandé, même si l’on avait très envie d’être coiffé plus court, chaque fois on avait oublié combien la coupe fraîche donne un air godiche. Et cette catastrophe est à entériner avec un tout petit oui oui, un assentiment douloureux qu’il faut hypocritement décliner dans un battement de paupières approbateur, une oscillation du chef, parfois un « c’est parfait » qui vous met au supplice. Il faut payer pour ça. »
Philippe DELERM [La sieste assassinée].